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    Le Manifeste pour l'abolition

    5 priorités, 16 recommandations

  • 1. Pour une politique d'égalité réelle entre les Femmes et les Hommes

     
    La prostitution s'inscrit dans une longue tradition patriarcale de mise à disposition du corps des femmes au profit des hommes (droit de cuissage, viol, harcèlement sexuel, "devoir conjugal", etc.). Elle renforce la domination des hommes sur les femmes, en particulier la croyance que le corps des femmes est disponible et accessible. C’est un archaïsme qui représente un véritable obstacle à une politique progressiste d’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
    • Réaffirmer sur l’ensemble du territoire l’importance de la politique publique de lutte contre le système prostitutionnel, en l’inscrivant dans le cadre de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles
       
    • Donner les moyens humains et financiers à cette politique publique d’atteindre ses objectifs ambitieux
       
    • Mener une campagne grand public sur les réalités de la prostitution et l’interdiction du recours à l’achat d’actes sexuels
  • 2. Rompre l’impunité des agresseurs et protéger les victimes

    Aujourd’hui, l’État français ne donne pas les moyens humains et en formation aux services de police et de gendarmerie pour accueillir les plaintes des personnes prostituées et lutter efficacement contre le proxénétisme, notamment sur Internet.
     
    En France, le marché de la prostitution est contrôlé d’une part par des réseaux criminels transnationaux et d’autre part par des réseaux de proxénètes locaux de tailles diverses et aux trafics souvent multiples. C'est également le cas du marché de la pornographie, ou prostitution filmée. Quelle que soit leur organisation ou leur envergure, on y retrouve des faits de viols collectifs, avortements forcés, diverses formes de torture et de violences psychologiques. Depuis une dizaine d’années, les proxénètes utilisent massivement Internet pour recruter davantage de victimes (y compris mineur.e.s) et toucher davantage d’acheteurs d’actes sexuels.

    L’achat d’actes sexuels constitue une violence sexiste et sexuelle en soi à laquelle s’ajoutent les violences (physiques, psychiques et sexuelles, pouvant aller jusqu’au meurtre) exercées par les acheteurs et les proxénètes. Sur les 35 féminicides prostitutionnels de ces dix dernières années, au moins 18 ont été perpétrés par des « clients » prostitueurs, 2 par des proxénètes et 12 restent non élucidés.

    L’achat d’actes sexuels est l’unique ressource financière du proxénétisme et de la traite des êtres humains.

    • Lutter plus fermement contre le proxénétisme y compris sur Internet et s’assurer que les victimes de prostitution puissent déposer plainte dans de bonnes conditions
       
    • Renforcer les services de police et de gendarmerie pour qu’ils disposent des moyens techniques et humains suffisants pour protéger et démanteler les réseaux, y compris sur internet, et s’assurer que la totalité des biens saisis soient affectés à l’accompagnement des victimes
    • Appliquer la loi interdisant l’achat d’actes sexuels y compris via les outils de nouvelles technologies de l’information et de la communication pour lutter contre cette violence sexiste et sexuelle et assécher les profits des proxénètes et des réseaux de traite des êtres humains, et n’accepter aucune dérogation à cette interdiction d’achat d’actes sexuels, l’«assistance sexuelle» pour personnes handicapées relevant de la prostitution
       
    • Mener des actions d'information sur leurs droits auprès des vitimes de la prostitution
  • 3. Pour de vraies alternatives à la prostitution

    Aujourd’hui, l’État français ne permet pas à toutes les personnes souhaitant sortir de la prostitution de le faire. Dans de nombreux départements, des femmes et des hommes souhaitant sortir de la prostitution ne peuvent pas accéder au Parcours de sortie de prostitution par manque de moyens dédiés par l’Etat à la mise en œuvre de ce dispositif (des commissions trop rares, des délais d’attente de plusieurs mois pour une prise en charge par une association). Lorsque leur demande peut être présentée, elle est parfois refusée sur des motifs non valables au regard de la loi. Et lorsqu’elles y accèdent, elles sont maintenues dans une situation de précarité avec une allocation mensuelle représentant moins du tiers du seuil de pauvreté (330€).

    • Permettre à toute personne souhaitant sortir de la prostitution de le faire, partout sur le territoire, en réaffirmant un cadre volontariste et clair aux commissions départementales de lutte contre la prostitution et en donnant les moyens aux associations agréées d’accompagner toutes les personnes qui en font la demande
       
    • Permettre un accès effectif au logement, aux titres de séjour, à une formation professionnalisante, à la protection et aux soins
       
    • Revaloriser l’allocation prévue dans le cadre du parcours de sortie au niveau du RSA
       
    • Garantir l’accompagnement inconditionnel des personnes en situation de prostitution, y compris en dehors des parcours de sortie de prostitution
  • 4. Pour une action urgente à l’encontre de la prostitution des mineur.e.s

    Aujourd’hui, l’État français ne se mobilise pas suffisamment pour prévenir cette violence sexiste et sexuelle auprès des jeunes, et de l’ensemble de la société.

     

    Il existerait en France entre 6.000 et 10.000 mineur.e.s en situation de prostitution. Recrutées par des réseaux de proxénètes, parfois exploitées par d’autres jeunes du même âge, ces jeunes victimes de la prostitution sont des cibles prisées des réseaux criminels et des « clients » prostitueurs, en recherche de filles toujours plus jeunes. Les causes sont multiples. Si la précarisation de la jeunesse en est une, le renforcement des modèles commerciaux autour de la féminité, l’hyper-sexualisation et son corollaire masculin le virilisme, tels qu’ils sont mis en avant dans la télé-réalité, les réseaux sociaux ou la pornographie jouent également un rôle majeur. Mais le premier facteur de maintien et de développement de l’exploitation sexuelle des mineur.e.s est l’impunité quasi-totale des clients prostitueurs de mineur.e.s, presque jamais poursuivis et condamnés dans les procès de proxénétisme des mineur.e.s.

    • Renforcer l’action de la protection de l’enfance en matière de prévention de la prostitution et d’accompagnement des victimes, y compris des jeunes majeur.e.s
       
    • Poursuivre et condamner systématiquement les personnes qui achètent un acte sexuel auprès d’un mineur.e
       
    • Développer massivement l’éducation à la sexualité
  • 5. Pour une diplomatie et une aide publique au développement féministes et abolitionnistes

    La diplomatie française a formellement adopté le concept de « diplomatie féministe » initialement développé par la Suède, champion mondial de l’égalité femmes-hommes et premier pays à avoir interdit l’achat d’actes sexuels. Dans le cadre d’une stratégie conjointe avec le Gouvernement suédois, la France a aussi posé en 2018 les bases d’une « diplomatie abolitionniste ». Cette stratégie doit désormais être mise en œuvre plus concrètement dans les relations bilatérales mais aussi dans les enceintes internationales.

     

    Malgré ses objectifs affichés, l’Agence Française de Développement n’apporte qu’un soutien limité aux associations de terrain de défense des droits des femmes et de lutte contre les violences sexuelles et sexistes et n’a pas développé de soutien direct aux associations du Sud luttant efficacement contre l’exploitation de la prostitution d’autrui et la traite des êtres humains.

    • Rédiger à l’attention des ambassades et missions des instructions précises quant à la défense de la position abolitionniste de la France et de ses alliés dans les enceintes internationales
       
    • Apporter un soutien direct aux associations de terrain du Sud, intervenant auprès des personnes prostituées et victimes de la traite des être humains